Je profite de la rediffusion ce soir d'Irréversible en DVD, par mes colocs, pour republier ici,ma chronique qui date de l'époque où la confiture était encore sucrée et comestible.
Je suis un disciple d'Antoine-Laurent de Lavoisier...
IRREVERSIBLE - de Gaspard Noé (Cannes 2002)
Fidèle à sa polémique annuelle, le Festival de Cannes présente Irréversible, le film choc 2002.
Et quel choc ! Gilles Jacob, président du Club-Med pour critiques ciné parisiens, avoue avoir "fermé les yeux" tandis que Thierry Frémaux, le directeur artistique de ce rendez-vous printanier de la Jet-Set Azuréenne, écrit avoir "parfois détourné le regard". C'est donc annoncé, les sélectionneurs cannois choisissent des films qu'ils n'ont vu qu'en partie... Original !
Objet de l'irregardable, une scène d'une quinzaine de minutes, où l'on voit le personnage joué par Monica Bellucci se faire violer. Scène très réaliste, filmée à fleur de peau, sans mouvement de caméra, comme dans l'oeil d'un couard pervers, assistant à la scène sans intervenir. Et les critiques de se déchaîner sur la perversité de l'oeuvre. Mais réduire un film à une scène, c'est ne rien comprendre au cinéma, succession de séquences montées afin de donner une histoire. On peut considérer cette scène mal filmée, mal amenée, mais en aucun cas inutile ou gratuite. Evidemment, seule, la scène de viol serait gratuite et voyeuriste (encore que les mêmes s'excitent sur des situations jumelles dans les films pornos), mais elle prend tout son sens au sein de la centaine de minutes du film, qui assène férocement désir, sexe, vengeance, brutalité, tous ces caractères bestiaux que l'homme tente en vain de refouler.
Ce qui est choquant c'est qu'en dédaignant la scène du viol et en méprisant le film, la société tente d'évacuer les problèmes d'agression sexuelle et plus largement de la violence ambiante. Le malaise provient de la non-acceptation de l'existence de telles tragédies tout en sachant qu'elles existent. Sinon pourquoi ne pas crier au scandale face aux tortures de
La Jeune Fille et la Mort ou aux décapitations de
Highlander ?
Irréversible a au moins le mérite de montrer que cela existe. Crûment ? Oui, mais comme pour transposer la violence et la souffrance de la victime vers chaque spectateur. Avec oerversité ? Egalelent, mais dans la salle antant que sur l'écran. Jamais la provocation n'a été autant annoncée, les quinze minutes de viol en étant même, sinon l'argument commercial, au moins le point de mire de tous les critiques. Ainsi, les spectateurs assis sur leurs fauteuils savent où ils vont. Qu'ils viennent pour tester leurs limites (masochisme), voir la scène coupable (sadisme), avoir le plaisir de sortir plus ou moins bruyamment (orgueil) ou voir du cinéma (gourmandise), le vice est partout. Et le fait de quitter la salle paraît révélateur soit du reproche de sa curiosité malsaine, soit d'un non-respect de l'auteur (la diégèse ne se limitant pas à une scène de 15 minutes, même centrale).
Mais là encore, il ne faut pas limiter ce film à sa polémique, il vaut mieux que cela. Tout le film est violence et violent. Il montre de manière décroissante l'explosion d'un instinct de vengeance, dont la quotidienneté peut toucher tout le monde à un moment ou à un autre. L'ayant vu en entier, sans détourner le regard, il faut croire à mon insensibilité aux images violentes (chouette je vais pouvoir revoir
Scream3 sans problème !) ou à ma perversité totale. Manque d'humanité ou détachement vis à vis de l'image, mon psy tranchera. Il est surtout probable que le fait de n'avoir jamais été violé ni dévissé à coup d'extincteur aide à ne pas être rebuté. Je n'ai donc pas trouvé ce film vraiment plus choquant que d'autres, le classant comme film marquant dans les annales cinématographiques, mais pas chef-d’oeuvre du septième art français. Le message est clair : il faut choquer. La technique usitée est adéquate et le résultat est cinglant. Le générique de début et la fin de bobine (deux des idées les plus originales !) déstabilisent les spectateurs. Les mouvements de caméra prouvent la maîtrise de l'outil par son auteur. Une caméra qui tourne (un peu trop) dans tous les sens comme dans ces tourniquets où l'on prend plaisir à se rendre malade. Ce malaise violent est le leitmotiv de l'oeuvre de Gaspar Noé (
Carne, 1991, et
Seul Contre Tous, 1998 ), certes encore restreinte, mais marquante. Et pour moi, la violence d'un
Seul contre Tous est plus forte, car intérieure, froide, amorale et moins tonitruante. Mais je conçois que cela dépende des perceptions. L'idée d'une diégèse inversée est bien servie (appuyant l'irréversible succession des actes) même si Christopher Nolan a déjà emmené les spectateurs de
Memento à rebours sur les traces d'un justicier ordinaire, se vengeant du meurtrier de sa femme. Quant à l'allusion à Kubrick, elle est évidente mais maladroite. Outre l'affiche de
2001 dans la dernière (première ?) scène et la musique nerveuse de Beethoven, on retrouve l'ultra-violence d'
Orange Mécanique, qui avait outré la censure anglaise, voire la sexualité débordante d'
Eyes Wild Shut qui avait troublé la société américaine. Mais le maître n'aurait pas fait l'erreur de l'apprenti, celle de mettre la victime enceinte : le viol n'est-il pas assez atroce pour qu'il faille qu'elle soit enceinte, sorte de pointe de tragique dans un drame qui me le parait déjà assez ?
Les acteurs et la mise en image permettent à Noé d'atteindre ses objectifs : violence, malaise, débat... Mais, au final, le film est semé de "trop" : une tête explosée à coup d'extincteur type effets spéciaux de séries B, une future maternité inutile pour le drame, les mouvements de caméras répétés, tout comme les insultes des critiques et spectateurs faussement outrés.
Commentaires
mar., 18.10.2005 19:53
Linux dans l?administration : source d?efficacité
mar., 11.10.2005 21:36
La semaine prochaine je compat irais avec ta douleur Florent ... En attendant, bon courage à toi !
jeu., 06.10.2005 22:28
en voilà un billet de qualité Florent ! (comme la plupart de s billets de ce blog d'ailleur s) Je me suis vraiment f [...]
ven., 09.09.2005 19:38
Il faut donc bien un bac+5 (sa ns compter les anecdotiques a bonnement à Internet Haut Débi t, abonnement à un télép [...]
ven., 01.07.2005 17:12
Je ne connais pas ton controle ur, mais un déficit est un déc ifit. Il est relatif par rappr ot aux dettes étatiques, [...]
ven., 01.07.2005 10:58
Tout ça me fait bien penser à la solution qu'a trouvé Jean-C hristophe Ruffin dans "Globali a" : un revenu pour tous [...]
dim., 12.06.2005 18:31
Sur une idée originale de Flor ent, nous nous sommes fixés le challenge de repasser notre b ac de philo. Nous voici [...]
sam., 28.05.2005 23:05
Je prends ma plume pour vous é crire un mail relatif à l'éché ance du 29 mai. Je crois qu'on se pose tous beaucoup d [...]
jeu., 19.05.2005 00:32
Tout a fait d'accord avec toi sur le dernier film Flo. J'ai trouvé ça...plat, et la fin ét ait vraiment NAZE. le [...]
dim., 15.05.2005 22:45
photos du séjour sur http://fl orent.lajous.free.fr/Marseille
jeu., 28.04.2005 22:01
Ben la vraie vie passe avant t out, et je sais pas depuis com bien de temps ce blog existe, mais c'est normal qu'il [...]
sam., 16.04.2005 19:55
J'ai des passe-temps emcombran ts ces temps-ci Mais j'ess aye de remédier à cette absenc e, promis.
sam., 16.04.2005 15:26
moi j'ai l'impression que la f réquence des posts sur ce blog est de plus en plus étalée... mais que se passe-t-il [...]
lun., 04.04.2005 19:05
"Pourquoi l'arbitre de boxe po rte-t-il un noeud papillon ? « Parce que c'est l'élégant de b oxe.» Heu, au fait, ça f [...]
mer., 30.03.2005 10:38
Le pire est peut-être qu'ils n 'ont pas passé la caméra à un stagiaire cadreur mais à un ca dreur confirmé pour conf [...]